Tribune de l’Observatoire du validisme en politique sur le scandale démocratique de l’absence de moyens de participation des personnes handicapées aux fonctions électives
Tribune du 8 juillet 2025 : 0,02% d’élus handicapés alors que 16% de la population a un handicap : tolérable dans une nation démocratique ?
Le Parlement s’apprête à voter une proposition de loi créant un statut de l’élu local. Cette occasion rare pourrait constituer une avancée démocratique majeure si elle permettait enfin aux citoyens handicapés d’être candidats et d’exercer un mandat dans des conditions d’égalité.
Les textes actuels freinent l’entrée en politique des personnes handicapées et, quand elles sont élues, ne leur permettent pas de mener leur mandat à égalité avec les autres élus.
Trois impératifs indispensables
Un fonds national pour conseiller et financer les dépenses de compensation pendant la campagne et le mandat. Ces dépenses ne doivent incomber ni au parti, ni à la collectivité, ni au candidat ou élu handicapé.
Une compensation intégrale incluant tous les aménagements raisonnables quel que soit le type de handicap. Un plafond créerait des discriminations entre handicaps.
La prise en compte de toutes les activités de l’élu handicapé. La journée d’un élu ne se limite pas aux conseils et commissions obligatoires.
Une sous-représentation inacceptable
L’étude HandiPPolitique révèle que 0,02% des élus sont handicapés, contre 16% de la population selon l’OMS. Cette sous-représentation massive est indigne d’un pays démocratique. Ces élus sont en outre concentrés à l’échelon municipal, rares sont ceux qui parviennent à la représentation nationale.
Atteindre une représentation juste constitue une question de droit et de non-discrimination, garantissant que les personnes handicapées puissent contribuer aux décisions qui les concernent.
Un coût dérisoire
La question financière ne peut faire obstacle à ce progrès Les rares cas coûteux constituent des dépenses marginales. L’Observatoire du validisme en politique s’inquiète d’arbitrages qui maintiennent l’exclusion des personnes handicapées des mandats électifs.
Le handicap n’est pas une question médicale, mais de droits humains. Ce qui empêche notre participation, ce ne sont pas nos déficiences, mais les barrières que la société dresse sur nos routes.
Les membres de l’Observatoire du Validisme en Politique :
Anne-Sophie Dujancourt, conseillère municipale de St Quentin (02)
Manon Doyelle, cheffe de file des municipales à Bron (69)
Audrey Henocque, Première adjointe au maire de Lyon (69),
Fatima Khallouk, adjointe au maire d’Alfortville (94)
Odile Maurin, Conseillère municipale et métropolitaine de Toulouse (31),
Sébastien Peytavie, député de la Dordogne (46),
Marie Pieron, adjointe au maire d’Ivry sur Seine et conseillère territoriale du Grand Orly Seine Bievre (94)
Notre tribune publiée dans le journal l’Humanité :
Analyse, remarques et propositions d’amendements de l’Observatoire du validisme en politique sur la PPL Statut de l’élu local, document du 9 juin 2025, transmis à des parlementaires et des sénateurs.
Lien vers la séance publique de l’Assemblée nationale du mercredi 9 juillet 2025 avec la vidéo de la deuxième séance concernant la création d’un statut de l’élu local où on peut retrouver les interventions de Sébastien Peytavie et aussi de Mme Violette Spillebout
La proposition de loi sur le statut de l’élu local a été adoptée à l’Assemblée.Je me suis battu pour garantir la pleine participation des personnes handicapées à la vie politique. ↓
Depuis son élection en 2020 comme élue municipale et métropolitaine à Toulouse, Odile Maurin a dû faire face à une pression insoutenable. En l’absence des aménagements raisonnables nécessaires à l’exercice de son mandat, elle a subi plusieurs burn-out en 2024. Aujourd’hui, elle se retrouve contrainte d’envisager sa démission, et son médecin la met en arrêt maladie pour 6 mois.
Depuis son élection en 2020 comme élue municipale et métropolitaine à Toulouse, Odile Maurin a dû faire face à une pression insoutenable. En l’absence des aménagements raisonnables nécessaires à l’exercice de son mandat, elle a subi plusieurs burn-out en 2024. Aujourd’hui, elle se retrouve contrainte d’envisager sa démission, et son médecin la met en arrêt maladie pour 6 mois.
Odile Maurin est une personne handicapée, en fauteuil roulant et autiste, et elle a besoin d’un accompagnement humain et technique pour travailler dans des conditions dignes. Dès le début de son mandat, elle a demandé au maire-président les compensations prévues par la loi, mais il lui a refusé toute aide pour son autisme. Pour continuer à exercer ses fonctions, elle a dû financer elle-même une assistance, dépensant 80 % de ses indemnités d’élue, avec seulement 10 % de remboursement, après des démarches administratives épuisantes. Le poids des obligations administratives liées à son handicap est immense, comme pour nous toutes et tous handicapéEs.
En plus de ses fonctions d’élue, et comme beaucoup d’entre nous, elle doit aussi gérer son quotidien, son emploi du temps et ses assistants de vie, comme une véritable petite entreprise. Pourtant, malgré ses efforts pour faire valoir ses droits, Jean-Luc Moudenc et son équipe ont tout fait pour la mettre en échec. Sans aide suffisante, elle ne peut pas analyser correctement les délibérations et exercer son mandat avec la rigueur qu’il mérite.
Elle dénonce aussi l’inaction des partis de gauche, qui n’ont pas porté ce combat comme une question politique. Si un élu valide avait été confronté à un problème d’accessibilité, il y aurait eu une levée de boucliers. Mais parce que son handicap est invisible, on lui a demandé de s’adapter, au mépris de ses droits et de sa santé, la menant à l’épuisement.
Continuer dans ces conditions reviendrait à cautionner un système où seules les personnes handicapées les plus combatives peuvent exercer un mandat, ce qui est contraire au principe d’égalité. Elle refuse de s’y soumettre. Elle annonce donc qu’elle ne sera pas candidate aux municipales de 2026. Toutefois, elle ne renonce pas à son engagement et continuera à se battre contre le validisme et pour une société plus inclusive.
Son médecin l’a finalement arrêté pour 6 mois, comme le préconisait la spécialiste qui l’accompagne pour l’autisme. Elle dit qu’elle va s’occuper un peu plus d’elle et poursuivre dans la mesure du possible son engagement associatif tant qu’il ne me fera pas souffrir comme son engagement politique.
Alors que les éluEs handicapéEs sont au nombre de 75 en France selon Handeo, l’Etat et les collectivités vont-ils continuer de fait à empêcher la représentation de l’ensemble de la population sans discrimination ? La proposition de loi sur le statut de l’élu local doit permettre tous les aménagements raisonnables et ceci quel que soit la situation de handicap. Sans diversité, la représentation politique ne joue pas son rôle.
En savoir plus :
Le blog de petite loutre : TDAH, TSA : Comprendre les dysfonctions exécutives chez les neuroatypiques et proposer des aménagements
2 articles en ce début d’année 2025 qui parlent des fondatrices de l’Observatoire et de leur rôle d’élue
29/1/25 : Courrier des Maires : En 2026, l’espoir d’un renouveau électoral et politique de la cause du handicap
Les freins à l’engagement citoyen sont nombreux pour les personnes en situation de handicap désireuses de solliciter un mandat électoral, notamment celles en situation de handicap intellectuel ou cognitif. Ceux qui ont réussi à franchir le pas et rejoindre un conseil municipal voire un exécutif local témoignent. Et espèrent bien que le rendez-vous des municipales 2026 permettra de faire passer un nouveau cap à l’engagement des personnes handicapées dans la vie publique locale.
Extrait : « Odile Maurin, élue à Toulouse dans une listed’opposition, a de son côté saisi le tribunal administratif pourobtenir les compensations liées à son handicap dont elleestime être privée par le maire de la ville rose. « Depuis 4 ans,je consacre 80% de mes indemnités d’élue à payer unepersonne pour m’assister, parce que je ne suis pas capabled’étudier les dossiers 5 jours avant les conseils, j’ai besoind’aide pour écrire, pour m’aider à synthétiser, pour prendredes notes à ma place… j’en suis à 40 000 euros de ma poche »témoigne cette élue en fauteuil roulant, souffrant également d’autisme.
Odile Maurin est également partagée sur ce sujet. « La majoritédes élus handicapés aujourd’hui sont des ‘tokens’ c’est-à-direqu’ils ont été choisis pour ce qu’ils sont comme on prendraitun noir, un arabe, une femme, etc., tacle l’élue toulousaine,vous verriez le nombre de personnes qui se retrouvent sur deslistes sans l’avoir demandé simplement parce que l’on saitqu’elles ne feront pas trop de vagues ». Pour l’élue toulousaine,la question centrale est donc de savoir si – au-delà de leurhandicap – « ces personnes auront ou non les compétencespour contester ce qui se fait » rappelant au passage latechnicité des sujets liés au handicap dans la sphère locale. »
11/2/25 : Le monde : Audrey Hénocque : « Les lieux du pouvoir sont pensés pour des hommes valides, aidés bénévolement de leur femme »
Tétraplégique, la première adjointe aux finances du maire écologiste de Lyon témoigne de son combat pour améliorer la situation des élus en situation de handicap.
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«Une femme aux finances, c’est rare – d’habitude, elles sont plutôt sur les crèches, l’éducation, le vivre-ensemble –, et une femme élue aux finances en situation de handicap, c’est encore plus rare», lance Violette Spillebout, députée du Nord (Renaissance), en évoquant Audrey Hénocque, première adjointe aux finances du maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet (EELV), et également chargée de la culture et des grands événements. En ce jour de janvier, dans une salle de réunion de la mairie du 7e arrondissement, Audrey Hénocque se souvient du jour de l’accident, quand elle avait 15 ans : « Quand la voiture s’est encastrée dans un arbre,j’ai eu le coup du lapin, et j’ai perdu l’usage de mes bras et jambes. » En fauteuil roulant depuis, la quadragénaire mène sa carrière tambour battant. Elle pilote le plan pluriannuel d’investissement (PPI) de la ville de Lyon, d’un montant de 1,3 milliard d’euros : « Ce PPI, dont 800 millions seront réalisés d’ici à 2026, cible en particulier la rénovation énergétique de bâtiments. Mes missions sont passionnantes mais complexes à tenir, à l’heure où l’Etat diminue les dotations aux collectivités pour combler la dette nationale. »
Filled’une professeure des écoles et d’un ingénieur, Audrey Hénocque fait partie de la petite centaine d’élus en situation de handicap en France. « Quatre-vingt-dix pour-cent d’entre eux exercent au niveau municipal, les autres au rang départemental, régional, législatif et sénatorial. Au total, ils représentent moins de 1 % des quelque 500 000 élus du territoire français », avance le sociologue Cyril Desjeux, auteur de l’ouvrage Le Handicap au pouvoir (PUG, 2024). Sachant que 80 % des handicaps sont invisibles, ce chiffre s’appuie sur les handicaps identifiés dans la presse et visibles, comme les déficiences motrices, visuelles ou auditives.
Pour Odile Maurin, élue toulousaine elle-même en fauteuil roulant électrique du fait d’une maladie génétique rare, « contrairement à certains élus handicapés choisis pour “faire joli”, Audrey Hénocque n’est pas un token [“jeton”] qui fait de la figuration, elle a de vraies compétences, et je ne fais pas facilement de compliments ! » Dans l’opposition lyonnaise, certains ont un avis plus nuancé. Georges Képénékian (Progressistes et républicains) admire son «courage», mais la trouve « survalorisée : on lui fait jouer un rôle trop central ». De son côté, Pierre Oliver, maire (Les Républicains, LR) du 2e arrondissement et président du premier groupe d’opposition (Droite, centre et indépendants), l’estime « talentueuse mais dogmatique ».
Face à ces critiques, le maire, Grégory Doucet, ne cache pas son agacement : « Audrey Hénocque est une grande première adjointe, et j’ai une chance incroyable de l’avoir à mes côtés. » Cet ancien de Handicap International rappelle qu’à l’automne dernier l’agence de notation DBRS Morningstar a réattribué la note maximale, un AA (high), à la ville de Lyon, et salué une « gouvernance et une gestion budgétaire de qualité ». Ancienne de Sciences Po Grenoble, Audrey Hénocque est également diplômée de l’Institut national des études territoriales, qui forme les cadres dirigeants des collectivités territoriales. Un profil rare : en 2022, l’enseignement supérieur comptait seulement 2 % d’étudiants en situation de handicap. A 27 ans, la jeune femme décroche la direction des ressources humaines du département du Rhône ; elle devient ensuite directrice à l’apprentissage et à la formation professionnelle de la région Auvergne-Rhône-Alpes, puis numéro deux de l’Institut départemental de l’enfance et de la famille du Grand Lyon.
Manque d’accessibilité
C’est au cours d’un dîner chez des amis, en 2018, alors qu’elle est en disponibilité pour s’occuper de ses deux jeunes enfants, qu’elle fait la connaissance de Grégory Doucet, en campagne pour les élections européennes. Elle se rend pour la première fois à un meeting politique et, convaincue, apporte son expertise en tant que bénévole. Lors de la campagne des municipales de 2020, quand le candidat écologiste lui propose, en cas de victoire, de devenir sa première adjointe, elle confie avoir un peu hésité : « Je n’étais pas sûre d’arriver à tout gérer, car je suis divorcée, avec mes enfants en alternance une semaine sur deux et avec les contraintes de mon handicap. Je suis très dépendante physiquement, j’ai besoin d’une personne trois heures par jour pour mes soins. Il me faut de l’aide pour me coucher, me lever, m’habiller, me doucher, cuisiner. Une garde de nuit arrive à 21 h 30 et repart à 8 h 30. Une fois que je suis prête, sur mon fauteuil roulant, je suis assez autonome. »
Chacune de ses journées relève du parcours du combattant : « Les lieux et le rythme du pouvoir sont pensés pour des hommes valides, souventaidés bénévolement de leur femme, analyse l’élue. Le monde politique est imaginé initialement pour Superman, toujours disponible, en bonne santé, qui saute dans un taxi, participe à des débats toute la nuit, discute autour d’une bière… » Le manque d’accessibilité est infernal : l’ascenseur en panne la met en retard, l’estrade avec trois marches la prive d’ouvrir un festival sur scène, la tribune des officiels perchée en haut d’escaliers la contraint à rester en bas avec le public.
A la mairie, la première adjointe bénéficie d’une voiture adaptée et d’un chauffeur en permanence. Elle a fait automatiser les trois principales portes de ce bâtiment du XVIIe siècle, installer des rampes pour accéder à son bureau, agrandir les sanitaires attenants. Ces dépenses excèdent le maigre plafond des frais de compensation du handicap autorisés par le code général des collectivités locales, fixé à environ 900 euros par mois à Lyon. « Je ne peux pas m’empêcher de culpabiliser de dépenser cet argent pour moi, alors que c’est normal »,admet celle qui met désormais en place des initiatives pour améliorer la situation de l’élu local en situation de handicap.
Avec d’autres femmes engagées, elle souhaite lancer un observatoire contre les violences faites aux élus en situation de handicap. En novembre 2021, par exemple, lors du conseil municipal, évoquant des propositions de l’équipe écologiste sur la compatibilité des usages de la voirie et des pistes cyclables, une élue LR avait ainsi raillé l’idée de « faire pédaler un pied bot ou un cul-de-jatte ». Audrey Hénocque avait alors dénoncé ces propos « validistes » (discrimination des personnes handicapées par les personnes valides). La vidéo de ce moment était devenue virale sur les réseaux sociaux. Et une commission sur le validisme avait suivi pour sensibiliser les élus à ce sujet.
Avec l’élue toulousaine Odile Maurin, fondatrice de l’association antivalidiste Handi-Social, Audrey Hénocque a publié, en mars 2022, une tribune dans Le Mondeappelant à la création d’un fonds national afin de rendre accessibles les lieux de pouvoir, qui financerait les aménagements matériels et humains pour les élus handicapés. « Ce serait le pendant pour le monde politique de l’Agefiph et du FIPHFP, deux fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, qui accompagnent, respectivement, les salariés du privé et du public. » Audrey Hénocque a aussi fait passer de nombreuses autres idées aux parlementaires qui travaillent actuellement à la réforme du statut de l’élu local, dont Violette Spillebout fait partie. La députée avance qu’«une loi pourrait être votée ce premier semestre 2025 ».
Fatima Khallouk et Odile Maurin sont intervenues ce vendredi 6 décembre 2024 sur la chaine Youtube de l’Actualité de la recherche du CNRS et du PPR autonomie pour commenter la sortie du livre de Cyril Desjeux sociologue qui travaille sur la participation politique des personnes handicapées.
Quels sont les obstacles à la participation politique des personnes en situation de handicap ? Quelles difficultés les candidats et les élus handicapés rencontrent-ils ? Réponse avec Cyril Desjeux autour de la présentation de son ouvrage Le handicap au pouvoir (Presses universitaires de Grenoble, 2024), et en discussion avec nos invités Fatima Khallouk, Odile Maurin et Pierre-Yves Baudot, pour qui il s’agit de « faire de la politique autrement ».
Nous, personnes handicapées militantes, candidates ou élues, interpellons le monde politique sur les violences validistes auxquelles nous sommes confrontées et sur la nécessaire suppression des barrières physiques, techniques et organisationnelles que nous rencontrons pour participer à la vie de la cité.
Au sein du Parlement, des conseils régionaux, départementaux, intercommunaux ou municipaux, dans les associations ou les partis politiques, nous faisons régulièrement face à des violences, une infantilisation et une absence de prise en compte ou encore un effacement de nos besoins, différences, et de nos identités. Malgré nos signaux d’alertes et face à des discours grandiloquents sur l’inclusion au sein de nos institutions, nous dénonçons une violence systémique envers les corps et les esprits disqualifiés par la société valide.
Les années passent et rien ne change, le manque de représentation reste le même, les aménagements permettant de compenser les situations de handicap ne sont pas mis en oeuvre et les attaques ne font qu’augmenter. Le handicap reste un impensé des politiques publiques et les partis ignorent ou pire participent à ce système de violence.
Trop souvent, nous avons l’impression d’être cantonnées au statut de “faire-valoir”, à qui l’on demande d’être présent sur les photographies de campagne, sans nous proposer des places éligibles, sans nous accorder les moyens nécessaires d’exercer notre mandat lorsque nous parvenons à être élu ou élue, et sans défendre les droits des personnes handicapées dans les politiques menées.
Le monde politique doit montrer l’exemple de la non-discrimination et d’une représentation fidèle à la composition et aux préoccupations de la société française, en écartant les auteurs et les autrices de violences validistes de ses rangs, en se formant aux luttes anti-validistes et en soutenant l’accessibilité et les moyens de compensation de tous les handicaps, que ce soit pendant les campagnes ou pendant les mandats. Alors que le handicap est la première cause de saisine de la Défenseure des droits, les lieux de délibération et de décisions nous excluent trop souvent et annihilent ainsi la voix des 16% de Français handicapés et une large variété de points de vue et intérêts dans la construction des politiques publiques[1].
Ce phénomène de marginalisation trouve son fondement dans le validisme, un système d’oppression systémique basé sur des croyances et des pratiques qui dévalorisent ceux et celles qui ne correspondent pas à la norme valide d’ordre corporel, sensoriel et/ou cognitif. Le validisme opère dans tous les aspects de la société, mais trouve une résonance particulièrement dévastatrice dans le domaine politique, formaté sur les exigences physiques et sociales attendues de l’« homme fort » : disponible à tout moment, avec une santé à « toute épreuve », ne craignant rien, bon orateur … etc. Cette normalisation extrême écarte des sphères décisionnelles et militantes les personnes handicapées, qui peuvent également subir d’autres discriminations (racisme, sexisme, LGBTphobies).
Cette ségrégation partielle ou totale est d’autant plus dangereuse pour la société qu’il est nécessaire de contrecarrer l’actuelle progression des discours violents envers ceux et celles qui ne seraient pas productifs et/ou dont la vie aurait une moindre valeur : il suffit de lire le rapport 2023 sur les politiques publiques du handicap du CNCDH, qui constate la persistance des stéréotypes, préjugés et discriminations [2]. Alors qu’un tiers des moins de 35 ans considère que les handicapés sont une charge pour la société, et que 60% de la société considère que le handicap est un obstacle au bonheur et à l’épanouissement, la classe politique continue d’utiliser un vocabulaire validiste – soit insultant tel que “éclopé, cul de jatte, attardé, triso”, soit utilisant nos handicaps comme termes péjoratifs “Autiste, aveugle, dialogue de sourds … »
C’est pourquoi, dès septembre 2024 sera ainsi créé un Observatoire du validisme en politique.
Il aura pour mission d’identifier, de documenter et de dénoncer les comportements et prises de position validistes au sein du milieu politique et militant, ainsi que d’interpeller les élus et décideurs sur l’absence d’accessibilité et de compensation du handicap dans les réunions et activités politiques. En reconnaissant et en combattant les violences validistes, nous oeuvrons non seulement pour la pleine participation des personnes handicapées dans la vie de la cité, mais également pour une démocratie plus juste et plus saine pour toutes et tous.
Auteurs et autrices de la tribune : Audrey Hénocque, Première adjointe au maire de Lyon Odile Maurin, Conseillère municipale et métropolitaine de Toulouse, Sébastien Peytavie, Député de Dordogne Marie Pieron, Adjointe au maire d’Ivry sur Seine et conseillère territoriale du Grand Orly Seine Bievre Charlotte Puiseux, Militante politique Tom Tallieu, Militant politique Lydie Raër, Conseillère municipale d’Ivry sur Seine
Signataires : Grégory Doucet maire de Lyon, Cédric Van Styvendael maire de Villeurbanne, Philippe Bouyssou maire d’Ivry-sur-Seine, Jacqueline Belhomme maire de Malakoff, Ali Rabeh maire de Trappes, Patrice Leclerc maire de Gennevilliers, Bruno Bernard président de la métropole de Lyon, Elsa Faucillon députée, Eva Sas députée, Marie-Charlotte Garin députée, Jean-Claude Raux député, Christine Arrighi députée, Sandrine Rousseau députée, Pascal Savoldelli sénateur, Marine Tondelier secrétaire nationale Les Ecologistes-EELV, Samira Laal, secrétaire nationale PS au handicap et à l’inclusion, Benoît Hamon président de Singa.
[1] Ces violences résultent de la non prise en compte de l’accessibilité aux personnes handicapées physiques, de la protection des personnes immunodéprimées, d’organisations excluantes pour les personnes neurodivergentes, de réunions trop longues pour les personnes souffrant de douleurs chroniques et/ou de fatigabilité, de documents et sites inaccessibles aux personnes aveugles et malvoyantes mais aussi aux personnes handicapées mentales ou de communication sans langue des signes pour les personnes sourdes…et d’autres carences qui effacent les personnes concernées de la vie politique.