2 articles en ce début d’année 2025 qui parlent des fondatrices de l’Observatoire et de leur rôle d’élue
29/1/25 : Courrier des Maires : En 2026, l’espoir d’un renouveau électoral et politique de la cause du handicap
Les freins à l’engagement citoyen sont nombreux pour les personnes en situation de handicap désireuses de solliciter un mandat électoral, notamment celles en situation de handicap intellectuel ou cognitif. Ceux qui ont réussi à franchir le pas et rejoindre un conseil municipal voire un exécutif local témoignent. Et espèrent bien que le rendez-vous des municipales 2026 permettra de faire passer un nouveau cap à l’engagement des personnes handicapées dans la vie publique locale.
Extrait : « Odile Maurin, élue à Toulouse dans une listed’opposition, a de son côté saisi le tribunal administratif pourobtenir les compensations liées à son handicap dont elleestime être privée par le maire de la ville rose. « Depuis 4 ans,je consacre 80% de mes indemnités d’élue à payer unepersonne pour m’assister, parce que je ne suis pas capabled’étudier les dossiers 5 jours avant les conseils, j’ai besoind’aide pour écrire, pour m’aider à synthétiser, pour prendredes notes à ma place… j’en suis à 40 000 euros de ma poche »témoigne cette élue en fauteuil roulant, souffrant également d’autisme.
Odile Maurin est également partagée sur ce sujet. « La majoritédes élus handicapés aujourd’hui sont des ‘tokens’ c’est-à-direqu’ils ont été choisis pour ce qu’ils sont comme on prendraitun noir, un arabe, une femme, etc., tacle l’élue toulousaine,vous verriez le nombre de personnes qui se retrouvent sur deslistes sans l’avoir demandé simplement parce que l’on saitqu’elles ne feront pas trop de vagues ». Pour l’élue toulousaine,la question centrale est donc de savoir si – au-delà de leurhandicap – « ces personnes auront ou non les compétencespour contester ce qui se fait » rappelant au passage latechnicité des sujets liés au handicap dans la sphère locale. »
11/2/25 : Le monde : Audrey Hénocque : « Les lieux du pouvoir sont pensés pour des hommes valides, aidés bénévolement de leur femme »
Tétraplégique, la première adjointe aux finances du maire écologiste de Lyon témoigne de son combat pour améliorer la situation des élus en situation de handicap.

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« Une femme aux finances, c’est rare – d’habitude, elles sont plutôt sur les crèches, l’éducation, le vivre-ensemble –, et une femme élue aux finances en situation de handicap, c’est encore plus rare », lance Violette Spillebout, députée du Nord (Renaissance), en évoquant Audrey Hénocque, première adjointe aux finances du maire écologiste de Lyon, Grégory Doucet (EELV), et également chargée de la culture et des grands événements. En ce jour de janvier, dans une salle de réunion de la mairie du 7e arrondissement, Audrey Hénocque se souvient du jour de l’accident, quand elle avait 15 ans : « Quand la voiture s’est encastrée dans un arbre,j’ai eu le coup du lapin, et j’ai perdu l’usage de mes bras et jambes. » En fauteuil roulant depuis, la quadragénaire mène sa carrière tambour battant. Elle pilote le plan pluriannuel d’investissement (PPI) de la ville de Lyon, d’un montant de 1,3 milliard d’euros : « Ce PPI, dont 800 millions seront réalisés d’ici à 2026, cible en particulier la rénovation énergétique de bâtiments. Mes missions sont passionnantes mais complexes à tenir, à l’heure où l’Etat diminue les dotations aux collectivités pour combler la dette nationale. »
Filled’une professeure des écoles et d’un ingénieur, Audrey Hénocque fait partie de la petite centaine d’élus en situation de handicap en France. « Quatre-vingt-dix pour-cent d’entre eux exercent au niveau municipal, les autres au rang départemental, régional, législatif et sénatorial. Au total, ils représentent moins de 1 % des quelque 500 000 élus du territoire français », avance le sociologue Cyril Desjeux, auteur de l’ouvrage Le Handicap au pouvoir (PUG, 2024). Sachant que 80 % des handicaps sont invisibles, ce chiffre s’appuie sur les handicaps identifiés dans la presse et visibles, comme les déficiences motrices, visuelles ou auditives.
Pour Odile Maurin, élue toulousaine elle-même en fauteuil roulant électrique du fait d’une maladie génétique rare, « contrairement à certains élus handicapés choisis pour “faire joli”, Audrey Hénocque n’est pas un token [“jeton”] qui fait de la figuration, elle a de vraies compétences, et je ne fais pas facilement de compliments ! » Dans l’opposition lyonnaise, certains ont un avis plus nuancé. Georges Képénékian (Progressistes et républicains) admire son « courage », mais la trouve « survalorisée : on lui fait jouer un rôle trop central ». De son côté, Pierre Oliver, maire (Les Républicains, LR) du 2e arrondissement et président du premier groupe d’opposition (Droite, centre et indépendants), l’estime « talentueuse mais dogmatique ».
Face à ces critiques, le maire, Grégory Doucet, ne cache pas son agacement : « Audrey Hénocque est une grande première adjointe, et j’ai une chance incroyable de l’avoir à mes côtés. » Cet ancien de Handicap International rappelle qu’à l’automne dernier l’agence de notation DBRS Morningstar a réattribué la note maximale, un AA (high), à la ville de Lyon, et salué une « gouvernance et une gestion budgétaire de qualité ». Ancienne de Sciences Po Grenoble, Audrey Hénocque est également diplômée de l’Institut national des études territoriales, qui forme les cadres dirigeants des collectivités territoriales. Un profil rare : en 2022, l’enseignement supérieur comptait seulement 2 % d’étudiants en situation de handicap. A 27 ans, la jeune femme décroche la direction des ressources humaines du département du Rhône ; elle devient ensuite directrice à l’apprentissage et à la formation professionnelle de la région Auvergne-Rhône-Alpes, puis numéro deux de l’Institut départemental de l’enfance et de la famille du Grand Lyon.
Manque d’accessibilité
C’est au cours d’un dîner chez des amis, en 2018, alors qu’elle est en disponibilité pour s’occuper de ses deux jeunes enfants, qu’elle fait la connaissance de Grégory Doucet, en campagne pour les élections européennes. Elle se rend pour la première fois à un meeting politique et, convaincue, apporte son expertise en tant que bénévole. Lors de la campagne des municipales de 2020, quand le candidat écologiste lui propose, en cas de victoire, de devenir sa première adjointe, elle confie avoir un peu hésité : « Je n’étais pas sûre d’arriver à tout gérer, car je suis divorcée, avec mes enfants en alternance une semaine sur deux et avec les contraintes de mon handicap. Je suis très dépendante physiquement, j’ai besoin d’une personne trois heures par jour pour mes soins. Il me faut de l’aide pour me coucher, me lever, m’habiller, me doucher, cuisiner. Une garde de nuit arrive à 21 h 30 et repart à 8 h 30. Une fois que je suis prête, sur mon fauteuil roulant, je suis assez autonome. »
Chacune de ses journées relève du parcours du combattant : « Les lieux et le rythme du pouvoir sont pensés pour des hommes valides, souvent aidés bénévolement de leur femme, analyse l’élue. Le monde politique est imaginé initialement pour Superman, toujours disponible, en bonne santé, qui saute dans un taxi, participe à des débats toute la nuit, discute autour d’une bière… » Le manque d’accessibilité est infernal : l’ascenseur en panne la met en retard, l’estrade avec trois marches la prive d’ouvrir un festival sur scène, la tribune des officiels perchée en haut d’escaliers la contraint à rester en bas avec le public.
A la mairie, la première adjointe bénéficie d’une voiture adaptée et d’un chauffeur en permanence. Elle a fait automatiser les trois principales portes de ce bâtiment du XVIIe siècle, installer des rampes pour accéder à son bureau, agrandir les sanitaires attenants. Ces dépenses excèdent le maigre plafond des frais de compensation du handicap autorisés par le code général des collectivités locales, fixé à environ 900 euros par mois à Lyon. « Je ne peux pas m’empêcher de culpabiliser de dépenser cet argent pour moi, alors que c’est normal »,admet celle qui met désormais en place des initiatives pour améliorer la situation de l’élu local en situation de handicap.
Avec d’autres femmes engagées, elle souhaite lancer un observatoire contre les violences faites aux élus en situation de handicap. En novembre 2021, par exemple, lors du conseil municipal, évoquant des propositions de l’équipe écologiste sur la compatibilité des usages de la voirie et des pistes cyclables, une élue LR avait ainsi raillé l’idée de « faire pédaler un pied bot ou un cul-de-jatte ». Audrey Hénocque avait alors dénoncé ces propos « validistes » (discrimination des personnes handicapées par les personnes valides). La vidéo de ce moment était devenue virale sur les réseaux sociaux. Et une commission sur le validisme avait suivi pour sensibiliser les élus à ce sujet.
Avec l’élue toulousaine Odile Maurin, fondatrice de l’association antivalidiste Handi-Social, Audrey Hénocque a publié, en mars 2022, une tribune dans Le Mondeappelant à la création d’un fonds national afin de rendre accessibles les lieux de pouvoir, qui financerait les aménagements matériels et humains pour les élus handicapés. « Ce serait le pendant pour le monde politique de l’Agefiph et du FIPHFP, deux fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, qui accompagnent, respectivement, les salariés du privé et du public. » Audrey Hénocque a aussi fait passer de nombreuses autres idées aux parlementaires qui travaillent actuellement à la réforme du statut de l’élu local, dont Violette Spillebout fait partie. La députée avance qu’« une loi pourrait être votée ce premier semestre 2025 ».