Nous, personnes handicapées militantes, candidates ou élues, interpellons le monde politique sur les violences validistes auxquelles nous sommes confrontées et sur la nécessaire suppression des barrières physiques, techniques et organisationnelles que nous rencontrons pour participer à la vie de la cité.
Au sein du Parlement, des conseils régionaux, départementaux, intercommunaux ou municipaux, dans les associations ou les partis politiques, nous faisons régulièrement face à des violences, une infantilisation et une absence de prise en compte ou encore un effacement de nos besoins, différences, et de nos identités. Malgré nos signaux d’alertes et face à des discours grandiloquents sur l’inclusion au sein de nos institutions, nous dénonçons une violence systémique envers les corps et les esprits disqualifiés par la société valide.
Les années passent et rien ne change, le manque de représentation reste le même, les aménagements permettant de compenser les situations de handicap ne sont pas mis en oeuvre et les attaques ne font qu’augmenter. Le handicap reste un impensé des politiques publiques et les partis ignorent ou pire participent à ce système de violence.
Trop souvent, nous avons l’impression d’être cantonnées au statut de “faire-valoir”, à qui l’on demande d’être présent sur les photographies de campagne, sans nous proposer des places éligibles, sans nous accorder les moyens nécessaires d’exercer notre mandat lorsque nous parvenons à être élu ou élue, et sans défendre les droits des personnes handicapées dans les politiques menées.
Le monde politique doit montrer l’exemple de la non-discrimination et d’une représentation fidèle à la composition et aux préoccupations de la société française, en écartant les auteurs et les autrices de violences validistes de ses rangs, en se formant aux luttes anti-validistes et en soutenant l’accessibilité et les moyens de compensation de tous les handicaps, que ce soit pendant les campagnes ou pendant les mandats. Alors que le handicap est la première cause de saisine de la Défenseure des droits, les lieux de délibération et de décisions nous excluent trop souvent et annihilent ainsi la voix des 16% de Français handicapés et une large variété de points de vue et intérêts dans la construction des politiques publiques[1].
Ce phénomène de marginalisation trouve son fondement dans le validisme, un système d’oppression systémique basé sur des croyances et des pratiques qui dévalorisent ceux et celles qui ne correspondent pas à la norme valide d’ordre corporel, sensoriel et/ou cognitif. Le validisme opère dans tous les aspects de la société, mais trouve une résonance particulièrement dévastatrice dans le domaine politique, formaté sur les exigences physiques et sociales attendues de l’« homme fort » : disponible à tout moment, avec une santé à « toute épreuve », ne craignant rien, bon orateur … etc. Cette normalisation extrême écarte des sphères décisionnelles et militantes les personnes handicapées, qui peuvent également subir d’autres discriminations (racisme, sexisme, LGBTphobies).
Cette ségrégation partielle ou totale est d’autant plus dangereuse pour la société qu’il est nécessaire de contrecarrer l’actuelle progression des discours violents envers ceux et celles qui ne seraient pas productifs et/ou dont la vie aurait une moindre valeur : il suffit de lire le rapport 2023 sur les politiques publiques du handicap du CNCDH, qui constate la persistance des stéréotypes, préjugés et discriminations [2]. Alors qu’un tiers des moins de 35 ans considère
que les handicapés sont une charge pour la société, et que 60% de la société considère que le handicap est un obstacle au bonheur et à l’épanouissement, la classe politique continue d’utiliser un vocabulaire validiste – soit insultant tel que “éclopé, cul de jatte, attardé, triso”, soit utilisant nos handicaps comme termes péjoratifs “Autiste, aveugle, dialogue de sourds … »
C’est pourquoi, dès septembre 2024 sera ainsi créé un Observatoire du validisme en politique.
Il aura pour mission d’identifier, de documenter et de dénoncer les comportements et prises de position validistes au sein du milieu politique et militant, ainsi que d’interpeller les élus et décideurs sur l’absence d’accessibilité et de compensation du handicap dans les réunions et activités politiques. En reconnaissant et en combattant les violences validistes, nous oeuvrons non seulement pour la pleine participation des personnes handicapées dans la vie de la cité, mais également pour une démocratie plus juste et plus saine pour toutes et tous.
Auteurs et autrices de la tribune :
Audrey Hénocque, Première adjointe au maire de Lyon
Odile Maurin, Conseillère municipale et métropolitaine de Toulouse,
Sébastien Peytavie, Député de Dordogne
Marie Pieron, Adjointe au maire d’Ivry sur Seine et conseillère territoriale du Grand Orly Seine Bievre
Tom Tallieu, Militant politique
[1] Ces violences résultent de la non prise en compte de l’accessibilité aux personnes handicapées physiques, de la protection des personnes immunodéprimées, d’organisations excluantes pour les personnes neurodivergentes, de réunions trop longues pour les personnes souffrant de douleurs chroniques et/ou de fatigabilité, de documents et sites inaccessibles aux personnes aveugles et malvoyantes mais aussi aux personnes handicapées mentales ou de communication sans langue des signes pour les personnes sourdes…et d’autres carences qui effacent les personnes concernées de la vie politique.
[2] https://www.cncdh.fr/sites/default/files/2023-
12/9782111578326_CNCDH_Handicap__PDFweb_access.pdf
Pour continuer à signer la tribune :
https://docs.google.com/forms/d/1ZLvp_smP_lbcyvNvuYP2uJBTK_r56Cwf360YeJtoGUs
Les 1ers signataires :
Militant socialiste, ancien élu local, politologue